Elle n'avait jamais aimé le blanc, trop fade, trop neutre. Elle aimait les couleurs de la Nature, celle dont on devine la sève insufflatrice d'énergie. Dans sa vie, le blanc n'existait pas. Son visage n' était jamais blanc, une peau hâlée et un corps résistant aux maladies. Son cerveau ne connaissait pas non plus le blanc, il ne cessait de s'activer - surtout la nuit, agitant ses sommeils pour mémoriser jusqu'aux détails.
Attablés depuis un moment, son interlocuteur de droite lui posa une question des plus simples. Tellement simple qu'elle s'entendit lui demander de répéter. Elle avait bien entendu. Un coup de tête à gauche pour reprendre ses esprits, un mouvement balancier de cheveux (comme à la télé) mais RIEN : le blanc. Le temps écoulé paraissait interminable, il lui semblait s'être posée tant de questions avant de formuler une réponse. Le blanc avait-il vraiment une couleur ?
Une petite phrase - bien trop simple- mit fin à ce début de conversation. L'interlocuteur baissa la tête puis s'adressa à la personne à sa droite jusqu'à la fin de la soirée. Elle n'eut plus à parler du repas - ce qui la soulagea - se contentant de sourire à droite et à gauche comme si elle avait pu suivre les dialogues de loin.
A peine rentrée, elle décida de ressortir. Sur la terrasse. L'air y était encore très doux, elle s'allongea sur sur le premier transat et, sans fermer les yeux, les images de la soirée défilèrent sur l'écran géant des voix et images intérieures.
Une pause à "l'incident".
Elle revit le "blanc" dans son esprit, l'angoisse s'échelonnant d'un cran, face à ce vide curieux. Comment auraient-ils pu comprendre ces "blancs". Là devant l'écran imaginaire, les réponses paraissaient claires : elle aurait dû répondre ceci ou cela, comme ceci, comme cela.
Son interlocuteur aurait été ravi, peut-être l'aurait-il même trouvée intéressante...